On l’en savait capable depuis longtemps et ça y
est, il a réussi. Yves Demaria a remporté sa 1ère manche de Grand
Prix !
Il y a des moments magiques en sport. Des instants
où l’on sent qu’il se passe quelque chose de grand, qu’une émotion envahit
l’atmosphère, que toutes les personnes présentes regardent et sentent la même
chose, éprouvent le même plaisir. Bien sûr ces moments sont rares mais quand
ils sont là , ils semblent à portée de main, comme palpable.
Quand Yves Demaria passe en tête de la 2nde
manche, au 6ème des 15 tours qui vont la composer, l’émotion est
trop forte et un hourra général couvre le bruit des motos et les hurlements du
speaker. Téfly vient de doubler bobby Moore, l’officiel KTM et 2ème
du championnat 125 1990. Téfly est en tête et à la seconde où il prend ce poste,
on a l’impression de vivre cet instant magique. Ensuite la course d’Yves se
déroule comme dans un rêve, comme sur un nuage. Il maîtrise totalement son
pilotage, son effort, ses adversaires…
A 3 tours de la fin, le jeune espoir belge, Stefan
Everts, s’est dangereusement rapproché de Téfly. Mais celui-ci, donne un
dernier coup de cravache et en un demi tour de circuit, reprend 30 mètres
d’avance. Il reste 2 tours à couvrir, ses chronos sont aussi rapides que 40
minutes plus tôt, lors du 1er tour : « Personne ne pourra
plus dire que je n’ai pas de condition physique. Je me sentais bien, pas
fatigué et quand il a fallu donner le dernier coup de rein, je l’ai
fait. »
Pour le faire, il le fait et le 2nd
instant magique de la journée arrive…Il reste 100 mt à parcourir à Yves pour
qu’il gagner. Il va gagner, il va passer le 1er sous le drapeau à
damier. L’émotion touche à son paroxysme, surtout pour ce jeune Marseillais de
19 ans, qui 30 secondes plus tard, a bien du mal à retenir ses larmes. Des
larmes de bonheur.
Mais revenons sur le début du week-end…
Les choses commencent bien pour Yves Demaria, lors
de Grand Prix de France. Le samedi après-midi, quelques tours aux essais
libres, question de prendre connaissance avec la piste, de vérifier que sa moto
fonctionne à merveille et d’étalonner ses adversaires. Sur ce dernier point pas
de problème. Des temps chronos officieux sont pris, Yves est le plus rapide. Ca
ne signifie rien, mais c’est un élément positif pour le moral. Il faut dire que
la moto marche très bien, ce qui n’était pas le cas lors du Grand Prix
d’Italie, une semaine plus tôt. « Aux départs, il s’est fait avoir 2 fois,
explique Christophe le mécano du team Mac 1. La moto reprenait mal, on n’était
pas encore dans le coup. On avait bien que le kit d’usine fourni par Suzuki
France, mais il nous semblait marcher moins bien que notre préparation. En fait
durant la semaine, on l’a monté avec l’aide des ingénieurs japonais, le team de
Sylvain Geboers nous a donné les bons réglages, on a rajouté nos propres
« trucs » et maintenant la moto est vraiment bonne ».
Et le dimanche matin, Yves nous le prouve dès la
séance chrono officielle. Il s’élance le 1er sur la piste, boucle un
tour sagement et met gaz sur deux tours. Le résultat est net et sans bavure,
Yves fait le meilleur temps et le gardera pendant toute la séance, avec près
d’une seconde d’avance sur Donny Schmit, le champion en titre. Comme l’an
dernier, lors du même GP, Yves signe donc le meilleur chrono. Mais c’est dans
un état d’esprit complètement différent qu’il aborde cette épreuve :
« l’an dernier, à Ernée, je me suis battu pour faire le meilleur temps,
j’étais tendu, je voulais trop bien faire. Cette année je suis beaucoup plus
décontracté ».
Propos identiques chez Jean-Jacques Bruno, son entraineur et conseiller : « il aborde ce Grand Prix dans de très bonnes conditions. Pour l’instant ça va, mais je crains qu’il craque un peu lors des courses ».Est-ce la pression ? Toujours est-il qu’Yves négocie très mal sa 1ère manche : « dès le début j’ai mal roulé. J’ai pris un mauvais rythme pendant les 10ères minutes, impossible de retrouver mes marques. J’étais raide sur la moto, je ne prenais plus mes bonnes trajectoires. A un moment j’ai même atterri hors de la piste, sur un talus. Et en fin de manche, ça n‘allait plus… ». Ah ça pour ne plus aller… ! Yves est complètement vidé, il tient à peine la moto. L’Allemand Beirer veut lui prendre alors la 4ème place, il reste 3 tours à couvrir et il se bat. Mais Beirer passe et c’est là qu’Yves a une panne énorme de cervelle…Plutôt que d’assurer les points d’une 5ème place durement acquise, il fonce dans l’Allemand, le percute et ils se retrouvent tous les deux emmêlés. Le temps de se dégager et il ne repart que 15ème …Cette énorme bêtise lui fait perdre 10 points et encore il aurait pu se blesser !
Entre les 2 manches, il s’isole et ne veut voir
personne : « si c’était pour me répéter 10 fois que j’avais déconné,
ce n’était pas la peine. Là j’ai pu me relaxer, me concentrer… »Ce break
lui fait indéniablement du bien.
Il part dans les 3 premiers de la 2nde
manche et fait partie du groupe de tête avec les 4 meilleurs pilotes actuels en
championnat du monde. Devant lui, on trouve Pedro Tragter et Bob Moore.
Derrière lui, ce sont Schmit et Everts qui sont à ses trousses. Des 5 furieux
font rapidement le trou sur le reste de la troupe et vous connaissez la suite.
3demaria a fait une course parfaite », déclare Schmit sur le podium et le
2ème, Stefan Everts avoue qu’Yves était trop rapide, qu’il a tout
fait pour tenter de le rattraper mais que c’était impossible.
On savait Téfly rapide, mais on lui reprochait un
manque de constance et surtout de condition physique. Sa nouvelle structure,
montée avec Alexandre Chapuis, l’a rendu plus responsable. Il ne cache plus ses
mauvais résultats derrière de fausses excuses. Il a bossé tout l’hiver avec
Jean-Jacques Bruno pour se bâtir une condition physique de bien meilleure
qualité que par le passé. S’il a peiné en 1ère manche, le rythme et
la façon avec laquelle il a mené cette 2nde manche sont révélateurs.
Et, coïncidence, cette 1ère victoire arrive exactement 12 ans jour
pour jour après celle de Jean-Jacques Bruno, lors du Grand Prix de France 500
de Thouars. C’était en 1979, le 28 Avril, le jour de son anniversaire. Jean-Jacques
avait alors bataillé contre les plus grands et les avait battus, pour la 1ère
fois de sa carrière.
Lui aussi avait fait lever les milliers de
spectateurs d’un GP de France, lui aussi avait créer la magie d’un instant
inoubliable.
Voici le classement :
1 |
Schmit.D |
20 |
15 |
2 |
Tragter.P |
17 |
13 |
3 |
Everts.S |
13 |
17 |
4 |
Moore.B |
15 |
10 |
5 |
Demaria.Y |
1 |
20 |
6 |
Surratt.W |
8 |
11 |
7 |
Belval.J |
10 |
4 |
8 |
Sweebe.C |
6 |
8 |
9 |
Karlsson.J |
11 |
|
10 |
Gordon.M |
5 |
5 |
Source et photos : Moto Journal n° 988 /
N.Sonina.