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Interview exclusive

Pour rosir de plaisir

Grand Prix Afrique du Sud 1985 250cc

J.Vimond gagne l'ouverture du Mondial 250

Et si ce samedi 9 mars marquait le début d'un long flirt avec la plus haute marche du podium ? Dis monsieur en rose, dessine-moi un n°1.

Vainqueur de la première manche du Grand Prix, leader du championnat du Monde...Il s'en est fallu d'un cheveu pour que Vimond nous fasse la complète. Samedi, ce n'était pas Maximum mais Optimum Vimond !

Corobrick Superbowl, donc (curieux nom pour un cross !). Beau petit circuit, tracé façon supercross avec de nombreux sauts et série de whoops de doos. Seul petit problème, la pluie tombée pendant la nuit de vendredi qui a sérieusement dégradée la piste, rendant difficile tout dépassement. Quant aux pilotes, ils sont vingt européens (tous les habitués sont là ) et quatorze sud-africains emmenés par les deux Américains "naturalisés" Jim Tarantino et Larry Wosick. Une manière comme une autre de rammasser facilement un bon paquet de "rands" (la monnaie locale).

Côté matériel, Rinaldi est là avec sa Suzuki d'usine. KTM a doté les machines de Kinigadner et Dreschel d'un nouvel allumage (Everts roule avec une machine standard qui a déjà des heures de vol)...

H.Kinigadner nous présente sa KTM

...et les Maïco de Velkeneers et Niklasson n'ont d'usine que le nom. Au prochain GP, elles seront néanmoins dotées d'un "power valve". Vimond a pour sa part emmené une YZ de série avec cylindre : tapé et pot retravaillé, Fura et Kervella étant dotés d'un pot et d'un cylindre Mugen "made in Japan". Seule grosse nouveauté dans le parc, un tout nouveau pneu Michelin monté sur une jante avant de...19''. Patrick Fura, à qui revenait le privilège de cette première mondiale, ne l'a pourtant pas utilisé en course, le sol boueux rendant délicate l'utilisation d'un tel pneu. Cependant affaire à suivre...

Passons sur les essais dominés par les deux futurs vainqueurs, Nilsson et Vimond, devant Rinaldi et Kinigadner, pour en arriver à la première explication de l'année.

Trois secondes d'avance au premier passage, neuf au deuxième, quatorze au troisième et...vingt-cinq dès le quatrième tour ! Voilà qui résume mieux que tout la domination exercée par Jacky. En tête dès le baisser de grille (de type américain), la Vim a parfaitement su en tirer pour remporter sa première victoire de la saison - succès qui n'est pas sans rappeler celui de St Jean d'Angely l'an dernier - comme quoi, France ou Afrique du Sud, Jacky tient à marquer de son sceau l'ouverture du mondial 250. Tout comme d'ailleurs Patrick Fura et Yannig Kervella qui nous ont quasiment (excepté le départ) refait le coup du GP de France 84. Respectivement neuvième et sixième à l'issue du premier tour, nos deux Honda-boys se sont magnifiquement battus pour terminer septième et neuvième. Places qu'ils auraient d'ailleurs pu "bonifier" si Fura n'avait pas été obligé de se débarrasser prématurément de ses lunettes, Yannig se plaignant quant à lui d'un manque de condition : "ce GP vient trop tôt dans la saison, je ne suis pas encore prêt physiquement".

Et les autres ? Vingt secondes derrière Vimond, Rinaldi prend la seconde place, place dont il s'est emparé dès la quinzième minute : " en début de course, j'ai pris beaucoup de projections de boue. Et comme c'est là que Jacky a fait la différence...Sur un circuit pareil, tu as absolument besoin d'un bon départ".

M.Rinaldi : 2è et DNF : une entrée mitigée
Chose qu'avait pourtant réussit Kinigadner (deuxième au quatrième passage) avant de chuter à quatre reprises. Terriblement secoué par sa dernière chute, Kini - alors neuvième - a arrêté là les frais. Malgré tout, il y avait bien longtemps qu'il avait perdu espoir de terminer avec les hommes de tête.

A noter encore la superbe course de Jim Tarantino, revenu troisième après un départ moyen, la quatrième place de Dreschel pourtant privé de frein avant et la magnifique (le mot n'est pas trop fort) course de Jorgen Nilsson. Roue avant bloquée dans la grille, le jeune Suédois s'est alors élancé bon dernier pour finir...cinquième. Pas une mince performance vu les problèmes de déplacement occasionnés par la boue. Vraiment un tout bon, ce Nilsson.

Un dernier commentaire sur la modeste quatorzième place d'Everts sur une KTM littéralement "rincée", la belle course des Suédois Eriksson et Niklasson, l'abandon de Velkeneers qui n'a pas jugé bon d'insister après être resté bloqué derrière la grille, enfin la crevaison de Gilles Friedrich et l'on se retrouve sur une piste quasiment sèche pour la seconde manche.

Avec, cette fois, un Vimond enfermé au départ, situation dont profite Nilsson et Dreschel pour jouer les filles de l'air. Personne ne les reverra plus. En tête de bout en bout, Nilsson redonne ainsi à Husqvarna sa première victoire depuis longtemps. Septième l'an dernier (pour sa première participation au Mondial), le jeune Suédois, qui revient de deux mois d'entraînement aux USA, est à classer parmi les candidats au titre.

Jorgen Nilsson était survolté (5-1) !
Tout comme Arno Dreschel dont la blessure de 1984 n'est plus qu'un mauvais souvenir : "ce GP vient trop tôt dans la saison. Je ne suis pas encore à 100% de mes moyens. En Suisse cela devrait aller mieux".

Arno Dreschel, déchaîné après une année 1984 sans
Et ce n'est pas Rinaldi qui dira le contraire : percuté dès le départ et reparti bon dernier, l'Italien s'est blessé à l'épaule droite (ligaments) en essayant de doubler Tarantino, également victime d'une chute au départ. Sans cette chute qui le laisse avec un bras en écharpe, Michele pouvait prétendre finir dans les dix, ce qu'a réussit Kinigadner (huitième) au prix d'un gros effort : "je suis content de finir à cette place, tant ma dernière chute de tout à l'heure m'a vraiment sonné. En arrivant sur la grille j'avais du mal à serrer le guidon. Cependant, je dois reconnaître que je ne me sentais pas assez fort pour gagner aujourd'hui. Je suis allé me préparer à Ibiza aux Baléares, mais ce GP vient encore un peu tôt dans la saison pour que je sois à mon maximum, mais qu'est ce que Vimond va vite...".

Et c'est vrai qu'il a raison le bougre
Dixième au premier passage, septième au suivant, Jacky revenait à la vitesse grand V sur les hommes de tête lorsqu'une légère chute l'a rejeté en dixième position. Vite remonté en selle, une pierre projetée par Eriksson lui ouvre la lèvre supérieure, mettant définitivement fin à ses chances de victoire. Finalement troisième à 38 secondes de Dreschel, Jacky a encore surpris tous les observateurs présents par son attaque "démoniaque" : dommage que je sois resté sur la grille avant de chuter car je me sentais parfaitement capable de gagner. Enfin je remporte le GP et je suis hyper content d'offrir cette victoire à M. Linton Draper qui s'est dépensé sans compter pour rendre mon séjour inoubliable. Je me devais de gagner".

Félicitations également à Patrick Fura, cinquième de bout en bout ("et encore je ne suis pas réellement en forme. Je manque d'entraînement moto").

Fura, beau retour en GP : cinquième au provisoire !
A Yannig Kervella qui s'est longtemps bagarré avec un Velkeneers très décevant et le jeune su-africain Brett Redman. Longtemps troisième, ce pilote a manqué de condition sur la fin (en Afrique du Sud, le championnat se déroule sur vingt minutes, ce qui explique son fléchissement).

Un dernier mot encore sur la quatrième place d'Anders Eriksson - le jeune vainqueur de la Coupe de l'Avenir - autre fer de lance du cross suédois.

Anders Ericksson a fait honneur à sa victoire en coupe de l'Avenir
Et la seizième place de Gilles Friedrich qui rate son premier point en Mondial pour trois petites secondes. Des points qui font également défaut à Dolce (chute), Everts (moteur out) et Niklasson (troubles digestifs).

Jacky en tête du provisoire, Kinigadner et Rinaldi momentanément distancés, Fura cinquième et Kervella dixième : nos coqs ont fait une entrée remarquée dans le Mondial. Finie l'époque où le cross français pataugeait lamentablement au plus haut niveau ! Mais attendons cependant le 14 avril (deuxième GP à Payerne) pour nous faire une idée précise de la cuvée 1985. Mais qu'est-ce que c'était sympa d'entendre la Marseillaise en Afrique du Sud !





Voici les classements :


Dans les coulisses du GP
Pourquoi le "Corobrick Superbowl" ? Du nom de l'usine de briques qui sponsorisait et qui accueillait dans son domaine l'épreuve.

Pour être plus précis, c'est à Edenvale - dans la proche banlieue de Johannesburg - que s'est déroulé le GP.

Sans l'aide financière des cigarettes Camel (près de 75 briques !), l'épreuve n'aurait pu avoir lieu. L'Afrique du Sud traverse en effet une grave crise économique et Camel a accepté de prendre en charge le budget du GP qui a doublé en l'espace de quelques mois. Bravo !

Vingt Européens ont fait le déplacement pour rencontrer douze Sud-Africains et deux Américains "naturalisés".

Avec 34 pilotes inscrits, les qualifications n'ont pas été nécessaires.

Honda tient le haut du pavé avec onze motos contre sept à Yamaha.

Rex Staten qui a ouvert l'invasion américaine (champion 500 en 1982) est maintenant relayé par Jim Tarantino et Larry Wosick, respectivement premier et deuxième du championnat 250 l'an dernier.

Brett Redman (Yamaha) n'est autre que le fils de Jim Redman, quatre fois champion du monde de vitesse.

Russel Cambell, champion 500 1981, n'est pas un inconnu du public français qui l'a vu disputer plusieurs cross inter.

Le championnat d'Afrique du Sud (125, 250 et 500) se dispute sur huit épreuves de mars à octobre.

L'ex-champion du monde 500, Rolf Tibblin a repris du service en devenant le mécanicien de Jörgen Nilsson.

Jacky à coeur ouvert
Ou cinq questions que l'on est en droit de se poser au soir de ce premier GP.




Te sentais-tu capable de faire aussi bien ?
"A vrai dire, pas vraiment. Certes j'espérais beaucoup de ce GP, mais comme j'ai toujours peur d'être inférieur aux autres....J'ai une fâcheuse tendance à me sous-estimer."

As-tu l'impression d'avoir progresser par rapport à l'an dernier ?
"Je ne sais pas.D'accord, j'ai remporté la première manche sans vraiment forcer, mais de là à dire que j'ai progressé...Malgré tout, une chose est sûre, le niveau d'ensemble n'est pas plus élevé qu'en 1984."

Qui peux te battre ?
"Difficile de porter un jugement sur un seul GP. e citerais néanmoins : Rinaldi, Nilsson, Kinigader, Dreschel et je demande à revoir Velkenners."

Ta Yam de série sera-t-elle toujours suffisante face à la Suzuki de Rinaldi et aux KTM d'usine ?
"Ici, je ne pense pas avoir été handicapé. Il faut dire que c'est un type de circuit qui convient parfaitement à la Yamaha. Cependant, pour le prochain GP, j'aurais des pièces spéciales en provenance du Japon."

Tes chances d'être champion du monde ?
"Trop tôt pour le dire. Malgré tout, c'est certain, je pars à la conquête du titre. Il va falloir compter avec moi."



[source et photos : Moto Revue n°2694 / P.Boulland]