Motocross History : Comment êtes-vous venu dans le monde de la moto ?
Miloslav Soucek : Je me souviens être monté sur un side-car avec mon frère Antonin et un de ses amis, j'avais 8 ans. Puis en 1947 à Zlin, j'ai assisté aux Six jours d'enduro. C'étaient les premiers 6 jours après la guerre et la Tchécoslovaquie avait gagné et cela m'avait beaucoup plu.
Quand avez-vous débuté en compétition ?
MS : En 1949, j'ai participé à mes premières courses en enduro sur des CZ125. A Ceske Budejovice je remporte la médaille d'or, puis en motocross à Stribro la même année, je termine quatrième en junior.
Comme beaucoup de pilotes à l'époque, vous rouliez dans plusieurs disciplines ?
MS: Pour moi, c'était enduro et motocross. Par exemple en 1950, je gagne une course d'enduro à Prague sans pénalité et à Stribro, en motocross, je remporte ma première course en catégorie junior. Cette année-là, je gagne 7 courses sur 10.
Avez-vous préféré l'enduro ou le motocross ?
MS : J'ai vraiment aimé l'enduro et j'ai bien fait de rouler dans cette discipline, car j'ai participé quatre fois aux Six jours et j'ai obtenu quatre médailles d'or ! Et j'ai remporté le Vase en 1955 avec S.Stastka et Z.PolankaAux 6 jours en 1955.* puis le Trophée international en 1956 à Garmisch-Partenkirschen !Aux 6 jours en 1956.Toutes les éditions auxquelles j'ai participé étaient très difficiles. Cette compétition avait toujours lieu à l'automne, quand le temps est assez défavorable, quand il pleut et qu'il fait très froid. Les routes étaient mouillées et les chemins des collines escarpées étaient glissantes. Les temps de conduite étaient définis de manière à ce qu'il ne nous reste peu de temps pour réparer une roue à crampons ou une autre pièce. Le test final de vitesse, qui durait une heure était également très exigeant. De nombreux coureurs n’éteint pas en mesure de respecter la vitesse moyenne prescrite. J'ai eu de la chance de ne jamais tomber et d'avoir une machine bien préparée qui ne m'a pas déçu. Si je pouvais, j'aimerais retourner aujourd'hui à Zlin, là où avaient eu lieu les ISDE en 1955 l Mais en 1957, je suis devenu pilote usine ESO, qui ne produisait uniquement que des motos de cross. Quand j'allais à un enduro, j'étais obligé de quitter mon poste à l'usine ESO pendant 2 semaines pour les Six jours et parfois 3 semaines et pour la Coupe Alpine, c'était 1 semaine. Cela ne dérangeait pas mon patron, mais il m'a semblé injuste de rouler sur des Jawa ou des CZ, alors que j'étais employé par ESO. Puis il y a eu des concurrences de dates avec l'enduro et le motocross, je ne pouvais plus rouler les deux disciplines et il y avait de plus en plus de courses de motocross. C'est pourquoi, j'ai décidé de ne faire plus que motocross et je pense que j'ai bien fait. Si j'avais continué en enduro, j'aurais encore pu aider mes compatriotes à gagner le Trophée des Six jours ! A partir de 1958, je me suis consacré au motocross.
Ce n'était pas un choix facile car il y avait des concurrents redoutables : Cizek, Kmoch, Hamrsmid, Roucka, Chara ?
MS : Ce fut un bon choix, car je suis Champion de Tchécoslovaquie en 1958 en 350cc ! Et je termine deuxième en catégorie 500cc. Nous sommes à égalité avec J.Kmoch et nous sommes départagés au temps cumulé des courses du championnat, et je perds pour une seconde !
Avez-vous décroché d'autres titres ?
MS : Oui en 1960, je suis double champion en 250cc et en 500cc et en 1962, je gagne le titre en 500c.
Qui fut vos meilleurs adversaires ?
MS : Je vais en nommer beaucoup ! Jaromir Cizek, Jaroslav Kmoch, Bohuslav Roucka, Vlastimil Valek, Karel Pilar, Ervin Krajkovic, Josef Hrebecek, Oldrich Klaudinger, Vladimir Dubsik.
Quels étaient vos circuits préférés ?
MS : Je préférais rouler sur les pistes en herbe. Je n'aimais pas les circuits durs, rocailleux et rapides. J'aimais bien quand il y avait de la boue, quand le circuit était défoncé et qu'il y avait des traces et des ornières profondes ! Par contre je n'aimais pas rouler dans le sable profond et dans les bois parmi les arbres lorsque c'était dangereux. Parmi les circuits en Tchécoslovaquie, il y en avait beaucoup : Holice, Prerov, Sarka, Sedlcany, Tabor, Zamberk, Stribro, Cesky Krumlov, Beroun, Ceska Trebova, Moravska Trebova, Opava...Il y en a encore beaucoup où j'aimais rouler et gagner, mais il faudrait une page entière pour tous les écrire !
Comment était le circuit de Prerov ?
MS : Cette piste s'appelait "Prerovska rokle", la gorge de Prerov. Il y avait une montée très raide que l'on nommait le "toit du monde". Elle était plus impressionnante que difficile à franchir ! Ce n'était pas un gros obstacle.
Yavait-il un circuit un peu particulier que vous appréciiez ?
MS : Oui Beroun. Le tracé du circuit était très exigeant, il y avait des montées et des descentes raides, des parties cassantes et de l'herbe. Il y avait aussi une petite portion de route juste après un petit pont. Le pont était en bois et ne posait aucun problème pour le franchir, sauf quand il était mouillé, il était très glissant. J'ai souvent gagné à Beroun. La course était organisée régulièrement le 1er mai. A midi, tous les pilotes défilaient dans la ville voisine où nous participions au défilé du 1er mai. La fête du travail était toujours célébrée le 1er mai, ici
Vous souvenez-vous de votre premier Grand Prix ?
MS : Oui. C'était historique, car c'était en 1957 lors du premier championnat du Monde en 500cc et lors de la Coupe d'Europe en 250cc à Genève. J'avais participé aux 2 Grands Prix ! 250cc et 500cc
Dans quel état d'esprit étiez-vous ?
MS : Vu que j'avais déjà participé à des courses internationales dont une en France, à Niort l'année d'avant, je savais déjà ce qui m'attendais là-bas. Je n'étais pas anxieux, mais nerveux comme avant chaque départ, mais cela était terminé, dès le premier virage franchi après le départ.
Pouvez-vous me raconter ce Grand Prix?
MS : J'ai remporté ma série qualificative en 250cc et en finale j'avais pris un bon départ. Je suis resté en tête quatre tours ! Je me bagarrais avec l'Anglais B.Stonebridge et à la retombée d'un saut, je m'étais fait mal à la main. J'avais perdu beaucoup de temps. Lors du Grand Prix 500, j'avais terminé septième de ma série qualificative et en finale j'étais parti moyennement, puis je suis remonté grâce à une course audacieuse : 11è, 8è, 7è. Mais vers la fin, j'ai eu mal à ma main blessée et mon embrayage avait des problèmes. J'ai abandonné.
2ans plus tard, vous remportez votre premier Grand Prix ?
MS : Oui, c'était en Autriche à Sittendorf pour le premier Grand Prix de la saison 1959. Avec les bonnes performances de J.Cizek, J.Kmoch et F.Ron notamment, je me suis que c'était possible de gagner à mon tour. Et cela s'est bien déroulé pour la 140ème course de ma carrière ! Je termine 4è et 3è des manches, ce qui me permet de remporter le Grand Prix !Miloslav tout sourire, le Grand Prix en poche !En plus J.Kmoch et J.Cizek sont sur le podium !Un podium 100% tchécoslovaque !J'avais une jante endommagée et je ne le savais même pas. C'est en regardant une photo que je l'ai découvert !
Et l'année d'après vous remportez votre Grand Prix national ! ?
MS : Pour ce Grand Prix, je n'étais pas le favori. Les journalistes pensaient plus à Bickers, Cizek, Smith ou Hallman. Pour me préparer à ce Grand Prix, j'avais utilisé une tactique étrange : En première manche, je suis bien parti. Je suis resté 2è pendant les trois quarts de la course environ puis j'ai dépassé V.Valek. En seconde manche, j'ai encore pris un bon départ encore et je suis resté deuxième derrière J.Smith et j'ai remporté le Grand Prix de Tchécoslovaquie.
Je ne vous ai pas vu dans les sélections pour le Motocross des Nations, ni vu d'équipe nationale. Savez-vous pourquoi ?
MS : Je n'ai jamais participé au Motocross des Nations, car à cette époque, nous n'étions pas intéressés par cette course. Par contre j'ai représenté mon pays dans les courses internationales de 1954 à 1963. Etre un représentant de l’État a été un grand honneur pour moi. J'ai eu l'occasion de voyager dans des pays étrangers. Se rendre dans les pays occidentaux était interdit pour la plupart de nos habitants, en raison du régime communiste. Cela ne m'a apporté aucun avantage financier, ni quelconque autre avantage. J'ai été fier de pouvoir représenter la Tchécoslovaquie.
Avez-vous été pilote d'usine ?
MS: Oui, j'ai été pilote d'usine ESO de 1957 à 1962. Cela correspond un peu à la fin de ma carrière ainsi qu'à l'âge d'or d'ESO. Je leur ai encore rendu quelques services lors de ma dernière année en 1963.
Quels étaient les avantages ?
MS : J'avais un bien meilleur moteur et beaucoup de temps pour mon entrainement. De plus toutes les pièces étaient gratuites ainsi que le carburant.
Quelles étaient vos forces ?
MS : Je prenais souvent de bons départs. J'ai toujours voulu réussir chaque départ, parce que partir en tête était une demi-victoire. Je me devais d'être bon au départ, car nos ESO 500cc avaient un très mauvais embrayage. Je ne devais pas passer la vitesse plus d'une seconde avant que le drapeau ne flotte, sinon j'aurais raté tous mes départs car l'embrayage ne s'engageait pas correctement. J'observais le starter pour voir comment il se comportait avant qu'il n'agite le drapeau et quel mouvement il faisait juste avant. Il était important pour moi de passer à la dernière fraction de seconde avant qu'il ne veuille agiter son drapeau. La plupart des starters agitaient rapidement leur drapeau. J'ai réussi de nombreux départs parce que j'étudiais bien ce moment important de la course. Je n'en ai pas raté beaucoup ! La plupart des chutes surviennent juste après le départ. C'est ce que j'avais vécu à Namur en 1961, où je ne suis remonté que 12è.
Où avez-couru couru à l'étranger hors Grand Prix ?
MS : A Moscou en 1954, dont c'était la première course internationale. J'ai gagné et c'était ma première victoire internationale. Le circuit faisait 25 km de long. Il y avait un gué profond à franchir quatre fois ! Avant de le tenter, je suis resté à côté pour regarder les Soviétiques le passer. Puis je me suis lancé j'ai pris de la vitesse et j'ai réussi.Le parcours du circuit à Moscou.En 1955, je suis allé en Roumanie à Brasov où j'ai terminé 5è sur une CZ125 après une grosse chute. La même année j'ai participé à l'Alpenfahrt en Autriche. C'était une compétition sur 2 jours et j'ai remporté une médaille d'or au classement par club et 2 ans plus tard, la médaille d'or par équipe nationale.A l'Alpenfahrt en 1955.Comme nous l'avons abordé précédemment, je suis donc allé en France à Niort en 1956 avec J.Cizek, Au départ, il y avait de sacrés pilotes : Archer, Cheney, Leloup, Meunier, Brassine, Frantz, Godey, Hazianis et Molinari. Hazianis avait gagné et j'avais terminé 8ème et J.Cizek 9è. Hazianis était mon pilote préféré, j'étais à côté de lui dans le parc coureurs.
J'ai couru à Riga en 1957. Le circuit était dans une forêt avec un sable profond. Comme nous n'avions pas de sable en Tchécoslovaquie, ce circuit était difficile pour nous. Je roulais en 500cc, j'étais en tête, mais j'ai chuté deux fois et j'ai finalement terminé troisième.
Enfin, j'ai participé à la November Kasan en Suède en 1957, mais je n'ai pas pu terminer car j'avais mal aux yeux. Je ne voyais plus la route pendant l'étape de nuit.
Quels étaient vos circuits préférés à l'étranger ?
MS : J'ai bien aimé Payerne en Suisse. J'y ai terminé 4ème lors du Grand Prix en 1961. L'année d'avant, lors des championnats d'Europe, j'avais terminé 4ème de la première manche, mais dans la seconde, j'ai chuté fortement et je me suis fracturé la mâchoire supérieure. Sittendorf en Autriche, malgré la difficulté du circuit, était l'un de mes préférés avec ces grandes collines et ces pentes raides. J'y avais remporté la première épreuve du championnat d'Europe en 1959.Miloslav à Sittendorf.J'ai bien aimé Imola (8è en 1961) et Avigliana et Pinerolo, lors des championnats d'Europe en 1957, 1959 et 1960. En Belgique, je n'aimais pas les circuits de sable, par contre, j'avais beaucoup aimé Namur et son circuit long et sinueux dans les bois. En 1961, j'avais chuté au départ et après avoir perdu du temps à redémarrer, je suis revenu à la 12è place. Et puis à Dison à côté de Verviers où j'ai roulé une fois pour le Grand Prix en 1960. J'ai passé un bon moment en Angleterre à Shrubland Park, près d'Ipswich, la ville natale de D.Bickers. Pour le Grand Prix en 1960, j'avais terminé 4è de la première manche mais j'avais eu une panne moteur dans la 2è manche. Aux Pays-Bas, je n'avais pas aimé les sables de Dreumel, même si j'avais terminé 8è. Enfin en France, j'avais bien aimé Niort et Cassel qui ressemblait assez aux circuits de mon pays. Et puis Beauval en Caux, lorsque je roulais en course de moto anciennes. Je voudrais saluer Marion et Fabrice Bazire, les organisateurs de ces courses.Miloslav à Beauval en Caux.**
Comment effectuiez-vous vos déplacements ?
MS :
Aviez-vous des amis parmi les pilotes étrangers ?
MS : Oui. Il y avait les Suédois B.Nilsson, R.Tibblin, S.Lundin, T.Hallman et L.Dahlen, les Anglais J.Smith, D.Bickers et A.Lampkin, les Belges René et Walter Baeten, Joël Robert, les Allemands A.Hullsmann, F.Betzelbacher, O.Walz, H.Simon et bien d'autres !
Yavait-il des Français ?
MS : Oui, Jean Hazianis, René Klym, Gilbert Brassine, Michel Jacquemin.
Qui étaient vos adversaires ?
MS : Presque les mêmes ! En championnat d'Europe, il y avait F.Betzelbacher, O.Walz, J.Smith, D.Bickers, T.Hallman, S.Rickardsson et L.Dahlen. En championnat du monde en 500cc, il y avait B.Nilsson, R.Tibllin, S.Lundin, G.Johansson et O.Lundell.
Vous avez roulé au stade Strahov, comment était-ce ?
MS : C'était incroyable de rouler devant plus de 100 000 spectateurs !Un nombre de spectateurs impressionnant à Strahov !C'était toujours le 9 mai, c'était pour fêter la victoire de la 2ème Guerre Mondiale. J'y ai participé cinq fois, de 1958 à 1962 et j'ai gagné quatre fois. En 1962, je termine 2ème derrière Vaclav Kvech. Mon atout c'était le départ, car en étant en tête, c'était plus facile de gagner car il était difficile de doubler sur ce circuit assez étroit et accidenté. Je me souviens qu'il y avait des pilotes de différentes nationalités : des chinois, des polonais, des soviétiques, des allemands, des mongols.
Aviez-vous pu discuter avec eux ?
MS : Non, je ne parlais pas un mot de chinois ou de mongol. J'avais appris le russe à l'école, mais je n'aimais pas beaucoup le parler. Par contre, ils avaient des ESO 350, donc j'avais pu les aider à régler le carburateur et nous nous étions bien compris.
Avez-vous été membre du fameux Dukla Prague ?
MS : Oui, mais à l'époque, il ne s'appelait pas comme cela. C'était l'ATK puis l'UDA. J'ai intégré l'ATK fin 1952 pour mon service militaire, qui devait durer 2 ans. Quand je suis arrivé à Prague en Avril 1953, c'était le meilleur endroit pour s'entrainer et progresser, car c'était là que se trouvaient les meilleurs pilotes du pays.
Quel métier avez-vous exercé après votre carrière ?
MS : J'ai arrêté de courir en 1963. Puis j'ai travaillé comme chef d'un atelier de réparation automobile, où travaillaient douze monteurs. Quelques années après les événement de 1968, j'ai été renvoyé de ce poste par les communistes. Ensuite, j'ai travaillé comme monteur pour réparer des camions, puis je devenu acheteur de pièces détachées pour voitures et machines agricoles. J'ai pris ma retraite en 1991.
Quel est votre meilleur souvenir en course ?
MS : En fait, ce n'est pas une victoire. Cela se passait en 1957 à Bruhl en Allemagne. J'y étais pour le Grand Prix en 250cc et je participais aussi à la course internationale en 500cc. J'avais décidé de rouler dans les deux catégories, car en Tchécoslovaquie, c'est ce que je faisais. J'avais été formé pour cela. Je voulais absolument gagner en 500cc ! Ce fut la course la plus heureuse de ma carrière. J'étais parti en tête, mais j'avais oublié d'ouvrir le robinet d'essence ! Malgré cela, j'étais parvenu à refaire une partie de mon retard avec un pilotage risqué, mais j'ai perdu ma selle ! Alors j'ai roulé sur les repose-pieds pendant près de la moitié de la course. A l'arrivée j'étais à un mètre du troisième pilote ! Je m'étais dit que, si je gagnais, je pourrais rouler en Grand Prix 500cc !
Etait-ce une bonne époque ?
MS : Oui ! A partir de 1950, le motocross était devenu un nouveau sport et était très populaire auprès de nombreux spectateurs. En Tchécoslovaquie, le motocross était le sport moto le plus populaire. En plus la concurrence entre les marques nationales, CZ, ESO et Jawa, attirait les spectateurs et les pilotes. J'ai été le premier pilote à battre Jaromir Cizek en 500cc ! A cette époque, c'était le top pilote absolu en Tchécoslovaquie dans toutes les catégories 250, 350 et 500cc. Il fut un temps où tous les meilleurs pilotes d'Europe voulaient rouler sur des motos CZ.