Motocross History : D'ou as-tu tiré ta motivation pour réussir dans ce sport ?
René Klym (RK) : Avant et après la seconde guerre mondiale, nous avons habité a cinq dans un 2 pièces, rue Croix de Bois a Orléans au 1er étage. Il y avait aussi une autre famille sur le même palier et l'on devait se partager un "réduit toilette", résumé a un trou dans le plancher devant servir a 10 personnes. Pas de quoi se vanter d'avoir résidé dans ce quartier pauvre et coincé entre les quais de la Loire et le grand mur d'enceinte de l'hopital. Après quelques années passées dans cette habitation vouée plus tard a être rasée, le motocross nous a permis de changer de maison, de mode de vie, de se payer une, puis des voitures : elle étaient rares a l'époque.
Comment se sont passés tes débuts ?
RK : J'ai débuté en vitesse a 17 ans avec une moto prêtée par mes patrons, les frères Alexis, vendeurs de cycles et motos a Orléans. Je me suis classé 2ème pour ma première course a Bourges et j'ai gagné les suivantes. Mais rapidement, je change les pneus vitesse en pneus crampons, retourne le guidon dans l'autre sens et attaque le motocross. Ca payait autrement ! Bien plus que deux bidons d'huile remis pour une victoire !
René Klym 2è en vitesse a Orléans en 1949.*René Klym sur le circuit des buttes. Après la vitesse, le motocross
Toujours au début, comment vous déplaciez-vous ?
RK : Avec ton père Robert, on se déplaçait a bord d'une Juva, coffre ouvert, pour fixer la fourche de la moto, après avoir remplacé la roue arrière a crampons, par une roue de tourisme. Par contre, pour Montreuil, qui était a plus de 120 km de chez nous, il a fallu charger les motos sur le camion d'un copain garagiste pour arriver sur le terrain...et improviser aussitot une solution pour le retour...C'était l'aventure !
A l'époque, Montreuil, c'était important pour vous deux ?
RK : Oui en raison du nombre ahurissant de spectateurs présents, environ 50 000 ! et de la grande descente de la carrière ou l'on plongeait sans voir le fond et ce qui se passait devant...Lors de notre 2è ou 3è participation, on y a même couru en 500cc, avec Robert, sur la même moto ! A l'issue de chaque manche, on faisait la vidange et l'on changeait les plaques...J'ai gagné en catégorie nationale et Robert aussi, mais lui chez les internationaux. Ce jour-la, j'ai été épaté par Victor Leloup, pilote talentueux, pourtant borgne, mais aucunement gêné en course. C'était surréaliste !!
Quels sont tes meilleurs souvenirs ?
RK : Hormis ceux mémorables, vécus a Montreuil, j'ai participé avec Robert au début des années 50 a quelques Grands Prix. Notamment celui de Suisse a Genève en 1955. J'y avais terminé 2è derrière V.Leloup et devant R.Baeten. Mon frère avait abandonné en finale, mais le matin, il avait gagné sa série ! Ce jour-la, j'ai gagné 220 000 anciens francs (4900 euros environ) et un chronomètre en or. Imaginez, le salaire mensuel d'un ouvrier était de 5 000 anciens francs (110 euros environ) !!
En 1954, j'ai été déclaré Champion de France en 250cc et Robert en 350cc. En 500cc, j'avais gagné plus d'épreuves (15) que Carlo Molinari (10), mais la Commission qui avait attribué les titres cette année-la, sans championnats d'organisés, m'a déclaré 2ème. Pour la Fédération, 3 titres au tableau d'honneur pour les Klym, ça faisait un peu beaucoup !!
Une année è Torcé en Vallée, j'avais gagné une biquette. Qu'en faire ? On allait pas la relacher dans la nature ni la débiter sur place tout de même !! Alors d'un commun accord avec ma Mère, on a décidé de lui ligoter les pattes et de l'installer sur la plage arrière de la Chevrolet !
Je me souviens du Motocross des Nations en Suède en 1958. Nous avions récolté la 3ème place, c'était la première fois que cela arrivait a la France. J'avais terminé la finale a la 11è place juste devant Robert ! J'avais bien aimé aussi le Motocross des Nations en Hollande en 1961, même si je n'y avais pas participé, car Robert avait terminé encore a la 3è place.
En 1958, lors du Motocross des Nations.
Quel sont tes pires souvenirs ?
RK : Je me souviens de ma chute a Imola au Grand Prix d'Italie. J'étais 4è, prêt è passer è l'attaque, mais je suis tombé dans un torrent è sec sur de gros rochers : nez éclaté, bras et cheville cassés. Ca m'a calmé jusqu'au point de presque arrêter le cross. Dès que je remontais sur la moto, je voyais un voile de sang devant mes yeux. Mon frère plein d'empathie me dit alors : " Tu te traines, tu ferais mieux de raccrocher." Au contraire ça m'a motivé et j'ai suffisamment été patient pour enfin gratter quelques points au championnat de France, afin de ne pas descendre en National. J'ai ensuite retrouvé mon niveau, mais jamais celui que j'avais eu a Imola...En 1955 ou 1956, je me suis cassé le péroné a St Jean d'Angely : absent des terrains tout le mois de mai, voire un peu plus. J'ai perdu plus d'un million d'anciens francs en primes. Ca m'a rendu bien plus malade que ma blessure !
Ca payait bien les cross inter ?
RK : A notre grande époque, quand on allait très fort avec Robert, nos adversaires nous appelaient les Dalton ! On raflait tout, partout ou l'on passait. Mon frère Robert, selon ce qu'avait écrit RC.Delefosse dans Moto Revue, avait cumulé 70 victoires dans l'année. La dernière ou l'on pouvait courir dans toutes les catégories le même jour 250/350/500. Agostini, en vitesse, trustait les titres et les victoires de même, a son époque. Ce fut donc la dernière année, car ensuite, il était devenu interdit de s'engager dans plusieurs cylindrées. Vu que l'on gagnait beaucoup d'argent dans ces années-la, la Fédération décida (a cause de nous) de convertir les engagements avec primes de départ en "course au prix". Résultat : on a gagné encore plus d'argent avec le nouveau système !
Lors du cross inter de Torcé avec J.Hazianis et S.Geboers.
Et pourquoi ne pas avoir participé a d'avantage de Grands Prix ?
RK : On aurait bien voulu...mais, en règle générale, la Fédération nous rémunérait de 50 000 anciens francs (environ 1100 euros) pour un déplacement en Hollande, Angleterre, Italie ou Suède. Personnellement, je faisais tous les ans le Grand Prix du Luxembourg jusqu'au jour ou, a la même date a 80 km de chez moi, a Vendome, on me proposait 120 000 anciens francs (environ 2700 euros) de prime de départ sans les prix de la course...Imaginez ma décision finale. RC.Delefosse, spécialiste du motocross a Moto Revue a été visionnaire en réclamant que la Fédération fasse des efforts financiers et invente une structure "Equipe de France" avec des stages d'entrainement comme maintenant.
L'ère de BSA, ta moto pendant plus de 15 ans, étant presque révolue, tu es en venu a changer de monture ?
RK : Oui, dans les années 63-64 on a acheté des Lito que l'on a ramené nous-mêmes de Suède. Les BSA étaient devenues non-compétitives de par leur manque de puissance et leur poids. Les Lito étaient de très bonnes machines mais encore un peu lourdes a mon avis. Cependant, on a failli, Robert et moi, être champion de France avec ces nouvelles montures. Je termine 2è en 1964 et Robert 9è.
Au final, quelles ont été tes meilleures motos ?
RK : Je pense que c'était la BSA 500 "longue course", les 5 années durant lesquelles nous avons été coureurs officiels BSA. Faute d'assiduité a tous les Grands Prix, nous avons perdu notre statut de pilote officiel. Puis, bien des années plus tard, quand j'ai acheté une CZ 360, en 1967, je me suis vraiment régalé : une moto de 100 kg au lieu de 120-130 kg, il n'y avait pas photo. En 1968 j'ai terminé 5è de la première phase du championnat de France avec cette bécane. J'ai notamment remporté une épreuve. Robert n'a pas osé : il appelait les 2 temps, des coupes racines. Cette moto m'a permis de conserver un très bon niveau tout en peinant moins. Coté entretien, c'était un vrai "régal". Je l'ai revendue 2 ans plus tard car le cadre (sa seule faiblesse) "s'allongeait" au fur et a mesure de la saison...J'ai ensuite acheté un Rickman Westlake, que je possède toujours sous une bache et finalement j'ai raccroché 2 ans après...toujours en inter...J'ajoute enfin que sur toutes ces motos, Robert et moi, nous n'avons jamais été relégué en catégorie nationale en 22 ans, malgré de sévères blessures (tibia, péroné, cheville, bras ou clavicule cassés).
Globalement, que retiens-tu de cette période, sans télévision, durant laquelle chaque comité des fêtes de village organisait un motocross ?
RK : C'était une époque on ne peut plus formidable et surtout faste. Robert et moi on a vécu aisément et uniquement de ce sport jusqu'a plus de 42 ans, en faisant des petits boulots un mois seulement a chaque trêve hivernale. Enfin, pour la retraite, il a fallu penser a bosser comme les autres...Avec le recul, je pense qu'on peut se vanter, Robert et moi, d'avoir été professionnels vis a vis des organisateurs et surtout du public. Beaucoup d'Orléanais nous suivaient sur les terrains dans un rayon de 150 km. Les cross d'Olivet et Vendome accueillaient régulièrement 10 a 20 000 spectateurs, a l'époque ou l'on y participait. Une certaine année, on a boudé le cross d'Olivet. Le trésorier n'étant pas très généreux. Résultat 2 000 spectateurs, le jour de la course, seulement ! L'année suivante, bizarrement, notre prime de départ a doublé...René Klym a Olivet.
Dernier mot, avec Robert, on peut dire que l'on s'est fait respecter sur tous les terrains. Les coureurs étrangers ont du se retrousser les manches pour pouvoir nous battre...et ceci chaque dimanche !
La carte de visite de René Klym et une partie de son palmarés, avec une coquille sur l'année de son premier titre.
Palmarès :
Champion de France 250cc en 1951 et 1954
Vice Champion de France 500cc en 1964
3é du championnat de France 250cc en 1952
3é du championnat de France 500cc en 1955
3é du championnat de France 500cc en 1958
3é du Motocross des Nations 1958
René Klym a ses débuts en Gymkhana.Photos : archives René Klym et * Moto Revue num 948. Remerciements a Jean-Robert !