Motocross History : Comment t'es venu la passion de la moto ?
Eric Breton (EB) : Mes parents aimaient bien la moto, mais ne pratiquaient pas. Ils m'ont emmené pour la première fois, je devais avoir 7-8 ans. Puis, j'y allais deux fois par an environ, sur des circuits au nord de Paris, Sannois, Senlis, puis vers la Normandie.
Quand es-tu monté sur une moto pour la première fois ?
EB : A 14 ans, j'ai eu ma première mobylette, puis ma première moto à 15 ans et j'ai passé mon permis à 16 ans. Ce fut la liberté ! J'ai roulé en tout-terrain vers 18-19 ans et je suis rentré chez Moto Revue à 21 ans !La jeunesse, la liberté.As-tu roulé en compétition ?
EB : Oui un peu. J'ai commencé en enduro dans les années 73-74, puis j'ai pratiqué un peu le motocross, les rallyes sur le Dakar et l'endurance avec la croisière verte, le Touquet, le bol d'herbe et les 24h de Bretagne.Le Paris-Dakar en 1979.*Le Touquet.Les 24H de Bretagne en 1980.**
Tu as eu de bons résultats ? Raconte-nous.
EB : J'ai participé à trois rallyes Paris-Dakar en 1979, 1980 et 1982. Je n'ai terminé aucune édition, mais en 1980, j'étais en tête du Dakar ! J'avais remporté une étape et je suis resté 3 jours en tête ! Lors de l'étape Gao-Mopti, je pars en premier, j'ai donné mon max et je n'arrêtais pas de me retourner pour voir si Hubert Auriol me rattrapait et il ne revenait pas ! Mais j'ai cassé mon piston !La presse parle d'Eric !***Eric Breton superstar !***Un bon pilote essayeur-moto.***La victoire d'étape d'Eric.***En tête au classement général.***La moto d'Eric en 1980.*J'ai également roulé à la Croisière verte en 1980 où je termine 5è en gagnant la catégorie Nationale. J'ai participé aussi à plusieurs Bol d'herbe et 24H de Bretagne. En 1979, nous avions terminé 6è avec Hubert Auriol, Micou Montange et Xavier Audouard.
Il y avait eu un team avec Jean-Louis Bernardelli ?
EB : Oui avec Loulou, le team Foutrex !! C'était un sponsor imaginaire. Mais comme l'histoire de ce team a plu, cela a intéressé du monde et il y a eu des financements et nous avons pu rouler toute une saison ! Le team était composé aussi de Jean-François Dunac, Philippe Cornut et Micou Montange. Nous avons participé à des courses d'enduro et même une sur piste, le bol d'Argent avec JF.Dunac !Le team Foutrex.Comment es-tu devenu journaliste ?
EB : Je participais au championnat de France d'enduro et cela me coutait de l'argent. Comme j'étais étudiant, je manquait de finances, donc il fallait que je bosse. J'ai vendu des disques, notamment et puis j'ai fait d'autres petits boulots. Puis, j'ai lu une annonce pour être relecteur chez Moto Revue. Je me suis rendu aux bureaux, 103 rue Lafayette pour un essai et j'ai été embauché de suite ! Eric chez Moto Revue.*****A la rentrée en Septembre 1976, nous avons déménagé quai de l'Oise et Renaud Marchand a quitté Moto Verte. Alain Kuligowski est resté chez Moto Revue, JL.Bernardelli et moi sommes allés chez Moto Verte.
Avec quelle revue as-tu eu le plus de plaisir à travailler ?
EB : Avec Moto Verte l'aventure a été formidable ! Eric chez Moto Verte.****Couverture de Moto Verte.****Le journal a été créé en 1974. Au début, Gilles Mallet était tout seul, puis ils étaient 2 personnes, puis nous étions 3 quand je l'ai intégré. On était un petit nombre, mais cela marchait bien. On pouvait faire un peu tout ce que l'on voulait : on voulait voir le supercross US, l'arenacross, on y va, on réalisera un reportage sur le sujet ! C'était toute une époque ! C'était le début des rallyes-raid. Gilles Mallet avait remporté la 2ème édition du rallye Côte d'Ivoire-Côte d'Azur sur une 250 XL Honda France. C'était l'époque des pionniers : la croisière verte, le championnat de France d'enduro qui s'appelait avant le Coupe de France, le rallye Paris-Dakar, le bol d'herbe.
Où et quand as-tu pris tes premières photos de journaliste ?
EB : J'ai pris mes premières photos en 1976 en noir et blanc. Il y avait un labo de développement photo au journal. Chez Moto Revue on faisait un peu tout ! Les reportages de courses, les photos. Cela a duré quelques années. Puis quand nous avons eu un peu plus d'argent, tu te faisais attribué un photographe. Au début, j'ai eu Patrick Massias. C'était un ami, il aimait faire des photos et puis il s'est installé dans le milieu de la moto.En reportage avec Patrick Massias.**Etais-tu plutôt journaliste ou photographe ?
EB : Plutôt journaliste. Quand tu étais dans ce milieu, tu étais un obligé de faire les deux. Et quand tu étais sur un circuit, c'était difficile de réaliser les deux en même temps et de manière efficace.Eric au milieu des stars du 500.Avais-tu un type de photos que tu aimais prendre ?
EB: Non pas de type, j'aimais photographier le motocross et l'enduro. Le motocross, c'est spectaculaire ! En enduro, tu peux photographier un pilote avec un cadre naturel, dans une grimpette, une vallée, une forêt. J'aimais bien aussi les essais. Au début, tu faisais tout toi-même : l'essai et les photos. Puis, il y avait un photographe de prévu. Aujourd'hui, je trouve que l'on revient un peu aux reportages solo des essais de notre époque, avec les caméra GoPro.Bike tester.**L'essai de la Zundapp.**Tu étais dans les rédactions au moment où le supercross était en plein développement, qu'est-ce qui t'a le plus marqué?
EB : A la fin des années 70, on a regardé ce qu'il se passait aux Etats-Unis. Nous avons été surpris par la vitesse des pilotes. Ils sortaient d'une domination européenne sur leur sol avec les Inter AMA, Trans AMA, trans USA. Mai les Américains apprennent vite et Bob Hannah a battu les Européens en 1978 à la Trans AMA. Il y avait aussi le superbowl of motocross qui avait lieu à Los Angeles. On était excités ! Bien sûr, nous avions déjà vu du supercross auparavant à Daytona, mais ce n'était pas vraiment du supercross en terme de circuit. A partir de 1978, je suis allé aux USA. A l'époque, on parlait de Glover, Hannah. Puis les Ricains sont venus aux Nations et en Europe, on rêvait de SX en France. Il y avait Gênes qui avait accueilli un supercross dès 1980, Amsterdam qui en avait organisé un dans le vieux stade Olympique, donc, on s'est dit que l'on pouvait faire pareil en France et pourquoi pas à Paris. En 1983, je suis allé sur le chantier du palais omnisports de Bercy pour voir si l'on pourrait faire de la moto. C'était jouable. En février 1984, je vais aux USA. Je discute avec Broc Glover avec qui j'étais devenu ami après un voyage précédent et sa participation au bol d'herbe en 1979. La semaine après Daytona, il n'y avait rien au calendrier US. Je lui ai dit : "il faut que tu viennes ! On fera ça un mercredi et un jeudi." Il me faisait confiance. Il a dit oui ! Nous avions donc la participation aussi de Ricky Johnson, Jacky Vimond et Danny Laporte. Ricky Johnson signe son contrat pour Bercy 1.***Puis Xavier Audouard a réussi à convaincre les pilotes Honda, David Bailey et Johnny O'Mara à venir ! Quelques semaines auparavant, c'était l'inauguration et il y avait eu une épreuve de cyclisme et un concert de Scorpions ! Puis ce fut au tour du supercross ! Le circuit a été construit en moins de 2 jours avec l'équivalent de 300 camions de terre ! Il y avait plusieurs doubles sauts, des whoops, le petit tunnel pour gagner de la place pour le circuit et le saut d'arrivée !
NDLA : J'ai laissé parler Eric !"
Dans combien de pays t'es-tu rendu pour voir des épreuves de moto ?
EB : je ne sais pas, mais je suis allée a peu près partout en Europe. Aux USA, au Canada, au Mexique pour la Baja, en Argentine pour l'enduro del Verano, le Touquet argentin, au Japon, en Afrique. Tiens je ne suis pas allé en Océanie.
Quel est ton top 3 des pays préférés ?
EB : Pour la moto, les USA c'est super ! Il y a la culture supercross, les déserts. En France, on a tout ce qu'il faut : les sables du nord, les terrains béton du sud, des circuits en Savoie, Lescheraines par exemple. Je regrette juste que les Grands Prix se déroulent désormais au même endroit. Il y avait beaucoup de beaux terrains. Et puis les Pays-Bas et la Belgique. Il y a des terrains formidables avec des courses dans le sable extraordinaires : Valkenswaard, Lommel, Lierop. J'ai beaucoup aimé ces courses, ces ambiances.
Quels sont tes meilleurs souvenirs ?
EB : En 1977, j'avais couvert les 6 jours d'enduro à Povaska Bystrica. J'étais jeune, j'avais passé une semaine à l'est, c'était sympa. Malgré le rideau de fer, j'avais pu discuter avec les gens. C'était bon enfant, ils étaient contents, ils voyaient du monde. J'avais amené des t-shirts, des autocollants, des magazines. J'étais vraiment très heureux ! L'organisation avait été au top, la cérémonie d'ouverture, grandiose, s'était déroulée devant plusieurs milliers de spectateurs dans le stade de Povaska et la région avait permis de tracer des pistes intéressantes.La région de Povaska-Bystrica.****Jiri Stodulka.****Et tes moins bons ?
EB : Quand il ne faisait pas beau, quand il neigeait, par exemple à Payerne et Sittendorf ou quand tu étais un peu moins bien dans une période de ta vie. Ceci étant, j'étais un voyageur-né, donc j'aimais bien me balader, aller partout.
As-tu réalisé des interviews ?
EB : Oui beaucoup. Des grands pilotes étrangers, de Malherbe à Carlqvist en passant par Geboers, Jobé. Je ne peux pas tous les citer.Avec Georges Jobé.**
Quels sont ceux qui t'ont le plus plu ?
EB : Un de Roger De Coster. C'était un grand interview avec sa carrière, sa vision du motocross. J'ai rencontré des personnages marrants, extraordinaires. Le créateur du championnat américain de supercross ou Hirotoshi Honda le fils du fondateur de Honda, qui avait crée sa société, Mugen.
En as-tu qui se sont moins bien déroulés ?
EB : Non je n'ai pas de mauvais souvenirs. Les gens dans le milieu de la moto sont sympa. Avec les pilotes français, on ne parlait pas de politique, ni de vie privée.
Quels pilotes t'ont le plus impressionné ?
EB : Serge Bacou est devenu une star en France. J'étais assez fan de Patrick Drobecq. Puis j'ai vu l'arrivée de Jacky Vimond et de Jean-Michel Bayle. J'ai vu le motocross évoluer à travers les pilotes mais aussi avec le sport et les motos : le supercross, les Ricains, les CZ des années 60, les Japonaises des années 70-80 avec leurs modèles usine.
Avec quels pilotes étrangers t'es-tu le mieux entendu ?
EB : J'étais très ami avec Broc Glover. J'aimais bien les Belges, André Malherbe, Georges Jobé, Gaston Rahier, Eric Geboers et aussi Pekka Vehkonen, Kurt Nicoll et son père. Une des familles du motocross. Comme d'autres familles, que je rencontre quand je vais au mini-vert. Je vois de jeunes pilotes que je ne connais pas beaucoup et qui ne me connaissent pas, par contre je connais leur père et parfois leur grand-père !
Tu avais créé aussi un magazine Motocross France ?
EB : Oui avec Sylvain Le Bellec. L'idée était de mettre un coup de projecteur sur le motocross en France, mais nous nous sommes lancés au moment où la presse écrite était en chute libre. Malgré cela et des démêlés judiciaires à propos du nom du magazine, MX France au départ, nous avons tenu 3 ans.Couverture du dernier n°.Que fais-tu maintenant ?
EB : J'ai fait un peu de télé pour SFR, j'ai commenté le Touquet pour France Bleu et puis je me suis mis à réécrire un livre sur la CB750 Honda. J'en avais écrit un pour les 30 ans en 1999 et puis maintenant celui-là pour les 50 ans. J'ai essayé d'entrer en contact avec Dick Mann qui avait remporté les 200 miles de Daytona en 1970, un an après la sortie de la CB 750 !Eric à la radio.Les 50 ans de la CB 750 Honda.
En parlant de livre, tu te souviens qu'il y a 10 ans en cherchant tous les classements de Grands Prix, je t'avais demandé pourquoi tu n'avais pas écrit un livre sur l'histoire du motocross ?
EB : Oui et je t'avais dit pourquoi pas toi ? De mon côté, je n'ai pas pris le temps, ni eu les contacts avec les éditeurs.
Dernière question, que peux-tu me dire à propos de la CCA ?
EB : Ca veut dire Cross Critik Association. Nous l'avions créée en 1986 entre nous, journalistes à Moto Verte et Moto Revue. Il y avait un président, Patrick Massias et puis aussi Patrick Boulland, Xavier Audouard, Marc Blanchard et moi. Le but était de promouvoir la smart attitude des pilotes de motocross pour leur style, leurs vêtements ou leur comportement sur et en dehors de la piste. Il y avait des stickers, des blousons et des t-shirts logotés CCA ! Les pilotes retenus étaient CCA Approved !La CCA au grand complet : Marc Blanchard, Pat Boulland, Xavier Audouard, Eric Breton et Patrick Massias.******Eric Breton #3.**CCA Approved.Entretien réalisé en juin 2019. Photos : archives Eric Breton, sauf * www.dakardantan.com , ** France Bros, *** Moto Revue, **** Moto Verte, ***** Marc Blanchard et ****** Gérard Valat.