Cooper Web
Interview exclusive

Le premier motocross en France ?

Romainville 1928

Le cross moto-pédestre a mis sérieusement les concurrents en difficulté

Il est un sport qui, en Angleterre et en Amérique, où l'on aime la nouveauté et l'émotion, connait un très vif succès et même arrive, parfois, à soulever les spectateurs d'enthousiasme : le cross-country motocycliste. Après les coureurs à pied et les cyclistes, les "motards" avaient bien le droit de se livrer aux joies de la course à travers la campagne...

La motocyclette ayant pris, depuis quelques années, un développement considérable, il n'y avait pas de raison pour que cette nouvelle attraction sportive ne fût pas introduite en France. C'est à quoi les actifs dirigeants de l'humble Motoclub des Lilas ont justement songé.

Et, dimanche, sur le désertique plateau de Romainville, pelé, bosselé, boueux à souhait, qui s'étend devant les archaïques fossés du fort, un public amusé et intéressé suivit les évolutions difficultueuses d'une quarantaine de concurrents de tout poil et de tout calibre, plus riches, certes, de bonne volonté que d'expérience.

En furetant consciencieusement dans toute la banlieue parisienne, j'imagine qu'il eût été difficile de trouver un terrain dans un état plus pitoyable que celui de Romainville.

Les concurrents ont souffert mais n'étaient pas découragés
Dire simplement que le sol était boueux ne parait pas suffisant; souligner que la "piste" constituait une sorte de patinoire de glaise gluante et épaisse ne semble pas encore assez fort. Un bourbier affreux, un cloaque qu'on pouvait redouter insondable, voilà ce que les crossmen nouveau style trouvèrent devant leur machine à deux roues. Il faut souhaiter que ces courageux sportifs aient l'âme fortement trempée et qu'ils sachent opposer à toutes les mésaventures de leur état la plus souriante philosophie, car, vraiment, l'expérience de dimanche était bien faite pour décourager les plus convaincus.

Au demeurant, le spectacle de toutes ces machines, pétaradant, bondissant, s'enlisant, dévalent les pentes, se cabrant dans des raidillons, dérapant à tout propos, fut on ne peut plus amusant à considérer. sans grand effort d'imagination, on peut, en effet, se représenter les scènes cocasses et imprévues qui se déroulèrent sous les yeux des nombreux curieux. La nouvelle d'un spectacle si attrayant se propagea rapidement dans la populeuse citée, et à la fin de l'épreuve se disputa devant une véritable foule : toute vie sportive, alentour, se trouva suspendue au profit des acrobates motocyclistes, et les jeunes gens qui, à proximité, tapaient avec entrain dans un ballon rond, n'hésitèrent pas à déserter leur terrain de jeu.

Il y a avait même des sides
Parmi les concurrents, il y avait des "gros" et des "petits", des motocyclistes expérimentés, habitués des grands épreuves, et des novices, véritables amateurs, venus surtout là pour s'amuser. La boue traitresse se chargea heureusement de niveler les chances. Les machines de forte cylindrées n'eurent pas non plus la loi sur les motos légères, et plus d'un crossman, embourbé jusqu'à mi-roue, dut renoncer à poursuivre sa route sur un trop lourd engin.

Dans de telles conditions, il était bien difficile de considérer cette démonstration comme une épreuve régulière. Réduits à leurs propres moyens, la plupart des concurrents étaient dans l'incapacité absolue de dégager leur moto enlisée, et, pour éviter l' "encombrement" dans les passages les plus pénibles, le public dut régulièrement prêter main-forte au coureur. Et, comme les gavroches des Lilas n'ont pas précisément la langue dans leur poche, chacun de ces interventions bénévoles était l'occasion d'un joyeux concert de plaisanteries à l'adresse des infortunés crossmen motopédestres.

La une du Miroir des Sports
En résumé, le cross-country motocycliste est un sport ou, si l'on veut, une attraction qui peut fort bien prendre à Paris. Nul doute même qu'il n'obtienne avant peu un très gros succès de curiosité. Seulement on ne saurait trop conseiller aux organisateurs futurs de choisir des tracés un peu moins malaisés et propres à donner davantage aux concurrents l'occasion de déployer leurs qualités acrobatiques et mécaniques.

[Source et photos : Miroir des sports n° 462]