Comment vous sentiez-vous avant ce Grand Prix ?
Je venais juste d'avoir 23 ans et c'etait ma premiere annee en tant que pilote usine CZ. A l'origine, j'etais un pilote en categorie 500cc et en aout 1967, CZ m'a propose un guidon usine pour 1968, mais en 250cc. C'etait la seule voie pour avoir un support de l'usine. Bien sur, j'ai accepte. C'etait un sacre changement que de passer d'un statut de pilote prive a celui de pilote usine avec des motos officielles et le confort d'avoir un mecanicien d'usine.
Etiez-vous en forme ?
Je me suis toujours bien prepare pour les debuts de saison, y compris pour 1968. J'avais gagne des cross inters pendant la pre-saison, je n'etais pas blesse et je me sentais fort pour debuter le championnat du monde. Le championnat de Belgique etait de niveau mondial. Joel Robert, Roger de Coster, Jef Teuwissen et moi-meme y participions et les meilleurs pilotes mondiaux roulaient aux cross inter. On pouvait dire que chaque course en Belgique etait d'un niveau de Grand Prix.
Etait-ce votre premier Grand Prix de Belgique ?
Non, j'avais dispute le Grand Prix de 1967 en 500cc. Je menais la premiere manche avec plus ou moins quinze secondes d'avance, lorsqu'un pilote s'est soudainement mis en travers de la piste et j'ai l'ai percute plein gaz en troisieme vitesse. J'ai abandonne, mais suite a cette performance CZ m'a offert le guidon pour 1968.
Le circuit ?
Genk, etait un circuit a seulement 45 km de chez moi. Il etait tres connu des pilotes belges mais aussi des pilotes Scandinaves qui venaient toujours en Belgique preparer la pre-saison et Genk etait l'un des circuits les plus frequemment utilises. Il n'avait pas de secret pour moi. Le circuit etait bien prepare pour le week-end, mais a cette epoque-la, on ne refaisait pas la piste apres les entrainements. Elle est donc devenue tres bosselee et c'etait difficile au freinage et a l'acceleration. C'etaient mes conditions preferees. J'aimais bien le trace et comme a chaque fois, certains pilotes aimaient ce circuit et d'autres non.
Une course difficile
La course est devenue tres difficile, les conditions etaient dures. Le sol etait un melange de sable et de gravier, c'etait accidente et cahoteux. Tous les pilotes scandinaves et les meilleurs pilotes belges pouvaient gerer ces conditions. A cette epoque, les suspensions n'etaient pas du niveau d'aujourd'hui. La fourche avant un debattement de 200 mm et la fourche arriere, 120 mm. C'etait l'un des points techniques importants sur ce type de circuit. Je me souviens que nous avions termine les courses avec les mains et les pieds pleins d'ampoules qui saignaient. L'equipement n'etaient pas aussi protecteur qu'aujourd'hui et nous sentions le gravier qui se projetaient comme des balles sur notre poitrine et sur les mains.
Les courses
Je me souviens d'un depart avec une chute spectaculaire, notamment pour l'un des favoris a la victoire, Jef Teuwissen. Jef etait passe au-dessus du guidon lors du freinage bossele du premier virage et avait abandonne.
Jef Teuwwisen au sol. Sylvain Geboers et Joel Robert sont juste derriere.Jef etait tres apprecie du public de Genk et etait super rapide lors des courses en Belgique. Joel Robert etait en tete en premiere manche puis a abandonne sur probleme de suspension. A partir de ce moment la, j'ai mene la course jusqu'a la fin devant Olle Petterson et Hakan Andersson. En seconde manche, si je me souviens bien, Olle Petterson est parti en tete devant moi meme et Hakan Andersson. Hakan a eu une petite chute, mais il est bien revenu et nous a depasses.
Le resultat ?
Sylvain Geboers vainqueur !A cette epoque, le vainqueur du Grand Prix etait declare par la somme des positions dans les deux manches, puis en cas d egalite, au cumul du temps. Je savais grace a mon avance en premiere manche, que je serais le vainqueur car nous etions tous les trois proches en seconde manche. Mon mecanicien m'a informe regulierement sur le panneautage et nous avons ete diriges vers le podium.
La victoire
C'est un sentiment tres fort que de gagner votre premier Grand Prix. Surtout quand cette victoire a lieu lors de votre Grand Prix national ! Cela s'est termine comme dans un reve. Pour tout pilote, gagner son premier Grand Prix est le meilleur souvenir, mais remporter son Grand Prix national a un sentiment superieur. Tous les pilotes m'ont felicite et ce fut un sentiment merveilleux ! Ce grand Prix m'a donne confiance pour le reste de ma carriere et ce fut le debut d'une grande epopee en Grand Prix au cours de laquelle j'ai eu des victoires et des defaites.
Le trophee fut une lampe de mineur utilisee par les gens de la region pour descendre sous terre.Photos : archives S.Geboers.