Motocross History : Quand et comment êtes-vous entré dans le monde de la moto ?
Joël Robert (JR) : A l'âge de six ans. Mon père était un bon coureur en motocross et en vitesse. Mon oncle et mon cousin aussi. La moto, c'était une histoire de famille ! Mais ce ne fut pas facile au départ, je ne touchais pas les repose-pieds...
Quelle fut votre première compétition ?
JR : Bien plus tard après mes débuts en moto ! En 1960, j'avais seize ans à Heusden. Et je gagne ma première course, un mois après, le 11 mai à Chimay. Il avait beaucoup plus et le terrain n'était qu'un bourbier. Au bout de trois tours, on m'arrête car je suis le seul à rouler et à grimper les raidillons. Je gagne par KO !!
Quand avez-vous su que vous deviendriez professionnel ?
JR : A vingt ans, après mon titre de Champion du Monde. J'étais bien parti, vu qu'à dix-neuf ans, j'étais Champion de Belgique 250cc, donc il y avait une progression.
Que vous offrait votre premier contrat ?
JR : Rien du tout !! En 1964, j'avais une moto de série que m'avait offerte l'importateur CZ pour la Belgique, Mr Manset. Comme j'ai gagné le championnat du monde, l'usine m'a récompensé avec une Skoda 1000 MD !
Pour quelles raisons avoir signé chez CZ, puis chez Suzuki ?
JR : En 1964, je n'étais pas pilote d'usine CZ. Ce ne fut qu'en 1965, après mon titre. J'avais un contrat alléchant avec une moto et des pièces...et si j'avais été Champion du Monde, j'aurais eu une prime. Hélas, j'ai terminé trois fois deuxième.
Pour Suzuki, il y a plusieurs raisons. Cela faisait six ans que j'étais chez CZ, j'avais eu trois titres et trois places de vice-champion (1965, 1966 et 1967). Le contrat était alléchant aussi. Enfin, les Japonais m'avaient contacté en juillet et Sylvain Geboers avait déjà signé chez Suzuki.
Qui fut votre plus grand rival ?
JR : Torsten Hallman, sans hésiter ! Pour la saison 1965, Victor Arbekov, bien sûr. Et puis après Sylvain Geboers. J'ai toujours eu des rivaux costauds !
Etiez-vous vraiment rivaux avec Sylvain Geboers ?
JR : Oui, nous avons été rivaux à un moment. Au début, on s'entendait bien, on voyageait ensemble, jusqu'à fin 1970 environ. Lors d’une manche au Grand Prix de Suisse, il m’est rentré dedans et je n’ai terminé que deuxième du GP. A partir de ce moment notre entente a été un peu moins bonne. Pendant plus d'un an nous ne nous sommes pas parlés. Nous étions déçus de cette situation. Et puis est arrivé le Grand Prix de Suisse 1972. Il a chuté au départ et une bonne partie des pilotes lui est passé dessus. Il avait la jambe cassée. Sa femme est venue me voir dans le parc coureurs et j'ai raccompagné Sylvain dans l'ambulance jusqu’à Mol.
1972 est l'année de votre sixième titre mondial, pensiez-vous en gagner un septième au début de l'année 1973 ?
JR : Au début oui, mais après deux-trois GP, non. Je m'étais fait mal au genou l'année d'avant à Namur et j'avais décidé de ne pas me faire opérer.
Comment avez-vous vécu la finale de 1974 ?
JR : J'étais présent, c'était un peu bizarre. Ce qu'ils ont fait à Falta, c'est dégueulasse. Il était à deux pilotes de moi sur la grille de départ, personnellement, je ne l'ai pas vu la sauter.
Qu'en avait pensé votre mécanicien ?
JR : Viktor était écœuré, comme beaucoup d'autres. Je crois me souvenir que KTM avait offert une Mercedes à Moiseev, pour son titre.
Quelles étaient vos relations avec Viktor Lahita ? Vivait-il toute la saison en Belgique ?
JR : Nos relations étaient bonnes, nous étions comme des frères. Il a été mon mécanicien pendant plusieurs années. Il repartait souvent en Tchécoslovaquie, car il fallait refaire la moto régulièrement. Il revenait avec un cylindre et un échappement spéciaux.
Racontez-moi les voyages derrière le rideau de fer ?
JR : L'ambiance était très bonne. Tous les pilotes étaient à l'hôtel, on faisait la fête ! Même si sur la piste on se bagarrait entre nous. Et puis les spectateurs ! 80, 90 000 selon les GP. On parlait un peu avec les gens, mais en URSS on se méfiait plus !
Et le voyage jusqu'à Kichinev ?
JR : Pour une fois j'avais tout préparé ! Avion depuis Bruxelles jusqu'à Bucarest, puis voiture de location pendant 250 km environ, jusqu'à Kichinev. Je me rends à Iasi, proche de la frontière pour obtenir les autorisations de passage de la voiture, mais il n'y a pas d'hôtel. J'ai donc dormi dans la voiture pour être à la première heure à la douane. Le lendemain matin, on me donne les papiers, mais on me dit que j'allais avoir des problèmes. Les douaniers étaient en train de jouer aux échecs ! J'ai attendu une heure ! Puis on est venu me dire que je ne pourrais pas aller en URSS avec une voiture de location roumaine ! Je pensais à mes entraînements de l'après-midi, que j'allais peut-être rater ! Du coup, j'ai voulu traverser la frontière à pied avec ma valise, mais c'était interdit ! Je n'avais plus qu'une seule solution : prendre un train à Iasi. J'y retourne, mais à la gare, on ne me donne pas le ticket car on me dit que les Soviétiques ne sont pas au courant ! Là, coup de chance, un chauffeur de bus soviétique me reconnait et prévient les organisateurs de la course. Les douanes soviétiques et roumaines sont finalement au courant et j'ai pu prendre un train le dimanche matin à 2h30 ! La suite du voyage a encore duré quelques heures, car il a fallu changer les essieux du train, car les rails n'étaient pas de la même largeur ! Je suis quand même arrivé à temps pour les entraînements du dimanche matin !
Comment étiez-vous organisé pour les déplacements au début de votre carrière, puis comme pilote d'usine ?
JR : Au début, c'était la voiture et la remorque. Après c'était la voiture et l'avions pour les déplacements lointains.
Pourquoi avoir choisi Laguépie pour vos stages avec les pilotes ?
JR : En 1964, lors du Grand Prix de France, j'étais déjà Champion du Monde. J'avais abandonné en première manche, sur problème de piston. J'avais quitté le circuit plus tôt. Sur la route, je me suis fait arrêter par la police : "Vous deviez participer à la fête de Laguépie, il faut revenir !". Je n'ai pas faire demi-tour, il fallait que je rentre pour une course en Belgique, le lendemain. Ayant raté cet événement, j'avais promis de revenir chaque année.
Quels étaient vos circuits favoris ?
JR : Je n'en avais pas de préférés. Il y avait de beaux circuits en Tchécoslovaquie, Yougoslavie, Union Soviétique, Grande-Bretagne, Pologne et France.
Quels étaient vos points forts ?
JR : La boue. Plus c'était boueux et pluvieux, plus je roulais comme s'il ne pleuvait pas !
Quels étaient vos points faibles ?
JR : Les pistes très rapides et au sol très dur..
Avez-vous aimé les courses aux Etats-Unis ?
JR : Plus spécialement les premières années, car nous étions les pionniers. Quand nous arrivions sur les circuits, il fallait commencer par créer la piste et planter les piquets. Les pilotes américains ne se battaient que pour les places de 3 ou 4ème. Il y avait un folklore sympathique. C'était en fin de saison pour nous, après les GP. Et là-bas aussi, on se bagarrait encore avec Torsten Hallman !
JR : C'est difficile à dire. J'étais très content, j'ai sursauté ! Quelqu'un m'a appelé pour m'annoncer la bonne nouvelle. Pour la première coupe de l'Avenir à Jalmioux, j'avais appelé le Roi de Belgique pour l'inviter. Il y a 5 ans, le Prince Philippe, qui avait 8 ans à l'époque, m'a dit qu'il était à Jalmioux lors de la première édition.
Auriez-vous aimé roulé en supercross ?
JR : Je ne sais pas. Peut-être pas au début, c'était un peu casse-gueule ! Les terrains se sont améliorés par la suite. Je ne sais pas si j'aurais été bon ! En tout cas, c'est un spectacle magnifique.
Quel est votre plus beau titre de Champion du Monde ?
JR : Le premier en 1964. C'est cette année-là où je gagne mon premier Grand Prix et en plus c'était en Belgique.
Quelle est votre plus belle course ?
JR : Je ne sais pas. En tout cas, je me suis bien bagarré avec Torsten Hallman. 1er-2ème, 2ème-1er, on était souvent roue dans roue ! Je me souviens d'un Grand Prix en Hollande, en 1967. Torsten avait gagné la première manche d'une toute petite avance. En deuxième manche, j'étais devant mais j'entendais son moteur juste derrière moi ! Jusqu'à ce qu'il abandonne à trois tours de la fin dans les bois. Lors d'un Grand Prix de Suède, avec Ake Jonsson, j'avais mon frein arrière cassé depuis le premier tour. Finalement, on s'est bagarré jusqu'au dernier tour, à la limite de l'étouffement ! Et puis un dernier ! Grand Prix de Finlande. Grand Prix qui était important pour l'attribution du titre ! Ake Jonsson était en tête et je ne l'ai dépassé qu'au bout de quarante-cinq minutes ! Il m'avait fallu 25 à 30 minutes pour reprendre mon souffle !
Palmarès
Champion du Monde 250cc : 1964, 1968, 1969, 1970, 1971, 1972
Vice-Champion du Monde 250cc : 1965, 1966, 1967
Vainqueur du Motocross des Nations 500cc : 1969
Vainqueur du Trophée des Nations 250cc : 1969, 1970, 1972
Champion de Belgique 250cc Inter : 1963, 1964, 1966, 1972, 1973
Grand Prix : 50 victoires. Au moins une victoire dans chaque pays dans lesquels se déroulaient les GP à son époque.